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Pourquoi PEGASE ?

Le Programme PEGASE s’inscrit dans cette longue histoire de la prise en charge des bébés malmenés ou que personne n’attendait, abandonnés ou promis à la mort. La mythologie déborde de ces histoires d’enfants-dieux maltraités et meurtris. Héphaïstos le bossu, Pélops le manchot ou Œdipe le boiteux, pour ne citer que ceux-là. C’est un fait anthropologique intemporel et irréductible que des bébés viennent au monde en étant menacés. Naître ne leur assure pas toujours le droit de vivre. Et vivre ne leur garantit pas de pouvoir grandir en sécurité.

 

En France, la protection de l’enfance et l’administration de la santé se sont croisées à plusieurs reprises dans l’histoire mais avec des amours variables et contrariées. A ce jeu-là, la France a eu plusieurs fois un coup d’avance sur les autres Nations et les autres pays nous ont alors souvent copiés. Mais il y eut des éclipses.

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La première rencontre c’est quand Monsieur Vincent le 30 juillet 1642 réussit à convaincre Louis XIII de mettre à la charge de l’État le coût du recueil des bébés abandonnés. Un saut conceptuel irréversible. Ceci permit d’assurer le fonctionnement de la maison de la couche à Paris sur l’Île de la Cité, tout près de l’Hôtel-Dieu, puis ensuite des « Hôpitaux des enfans trouvés » progressivement sur tout le territoire. Au XIXème siècle, la mortalité y était de 90%. Les plus grands médecins de l’époque se penchèrent sur ce désastre, ce qui stimula la recherche médicale et l’hygiénisme. Et certains praticiens observaient déjà que le bien-être affectif était garant de la survie physique.

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Une autre rencontre, ratée celle-là, à la fin du XIXème siècle. La plus grande sommité médicale du pays et sans doute d’Europe, le doyen de la faculté de médecine de Paris, le professeur Ambroise Tardieu, décrit alors le corpus clinique de la maltraitance infantile, infanticides, mauvais traitements, abus sexuels. Rien de plus n’a été décrit depuis. Et tout a été oublié. Déjà l’oubli qui efface les acquis.

Jusqu’au milieu du XXéme siècle, c’est la médicalisation de la prise en charge et l’hygiénisme qui prédominent sans préoccupation pour l’état affectif et psychique des bébés recueillis.

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Après la deuxième guerre mondiale, sous l’influence de Spitz aux USA et de Bowlby en Angleterre, on s’intéresse à la santé psychique des bébés en collectivité. Début 1946, Jenny Aubry prend en charge la pouponnière de la fondation Parent de Rosan, à l’Assistance Publique de Paris. Les enfants y vivent dans des conditions affectives effroyables mais courantes et banales pour l’époque. Grâce à une bourse obtenue en 1948 par une psychologue du service, Geneviève Appel, et avec une équipe très motivée, dont chacun des membres construira par la suite une œuvre clinique personnelle remarquable, démarre un programme innovant de prise en charge des enfants. Il mêle bilans pédiatriques précis, bilans du développement et bilans psychologiques réguliers, auxquels s'ajoutent des soins psychologiques intensifs. La recherche, couplée à ce protocole de suivi et de soins, en démontre les bénéfices pour les enfants. Malgré livres, films et articles, cette expérience ne se diffuse pas et 30 ans se passent avant que ces prémisses soient enfin soutenues par l'État. C'est finalement une autre génération, Janine Levy et Danielle Rapoport, qui portera ce projet de l’humanisation des pouponnières auprès de la ministre de la santé de l’époque, Simone Veil. Rencontre féconde qui déclenche en 1978 le lancement de l’Opération pouponnières pour lutter contre l’hospitalisme et améliorer la prise en charge affective des bébés protégés.

L’Opération pouponnières, pilotée par le ministère de la santé, va faire évoluer radicalement et positivement l’accueil des bébés dans les pouponnières engagées dans cette démarche qualitative. Mais 15 ans plus tard, faute de continuité dans le soutien de l'État, l’action s’étiole puis s’arrête. Si les acquis subsistent dans certains établissements, ils ne se diffusent plus. Pourtant initiés par le ministère de la santé, les liens entre santé et protection de l’enfance se distendent à nouveau. L’oubli encore fait son œuvre et l’expérience se perd. Il faut encore attendre 2016, soit 70 ans après l'expérimentation de l'équipe de Jenny Aubry, pour que ce principe de bilans médicaux, de bilans du développement et psychologiques réguliers soit inscrit dans la loi pour les enfants confiés à l’ASE, sans être appliqué pour autant.

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Depuis le début de ce siècle, on a mieux pris conscience des risques qui pèsent sur le devenir de ces jeunes enfants et des problèmes de santé publique qu’ils posent à nos sociétés. Après la question de leur recueil, après celle de leur survie, après l’amélioration de la condition de leur prise en charge affective, on s’interroge aujourd’hui sur les moyens d’améliorer leur santé, leur développement psycho-affectif, intellectuel et psychologique. Si certains d’entre eux parvenaient déjà à se développer normalement jusqu’à l’âge adulte, ce n’était qu’en faible proportion. Le challenge du Programme PEGASE, c’est qu’un plus grand nombre de ces enfants, protégés car ayant été maltraités, parvienne à un développement satisfaisant sur le plan affectif, psychologique et dans les apprentissages grâce à un protocole de suivi standardisé et des soins psychiques précoces.

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Le challenge du Programme PEGASE, c’est de restructurer le lien entre santé et protection de l’enfance et de le rendre pérenne. Cet engagement réciproque entre le sanitaire et le social au travers d’une démarche qualitative de prise en charge (bilans et soins) est engagé par les pouponnières mais soutenu financièrement par l’assurance maladie. C’est une révolution. Notre responsabilité, c’est qu’elle réussisse, qu’elle soit étendue aux 25 000 nouveaux jeunes enfants placés chaque année et que l’organisation pérenne d’une démarche qualitative dans la prise en charge fasse école. Ces enfants qui n’ont rien méritent le meilleur.

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Une dernière chose : durant la dernière décennie, dans les pays développés, les placements de bébés et jeunes enfants ont considérablement augmenté, sans explication certaine, mais sans doute du fait d’une meilleure connaissance des besoins des jeunes enfants et de politiques de prévention plus efficaces. Une raison de plus pour réussir le Programme PEGASE.

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Docteur Daniel Rousseau.

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